Retraites :
Les professionnel·les
témoignent (n°1)
Carine, 1ère assistante opérateu·rice
Pourquoi je me mobilise contre la réforme des retraites ?

 

Bonjour, Voilà 15 ans que je travaille sur les tournages de fiction, cinéma ou audiovisuelle. Je suis 1ère assistante opérateur, je suis aussi militante au SPIAC depuis plusieurs années. Je me dis souvent que pour rien au monde je ne laisserai ma place sur un plateau de tournage. J’ai réussi à organiser ma vie de famille avec mon métier, à trouver un équilibre qui n’allait pas de soi. Ai-je raison de continuer dans ce métier, même si tout marche pour moi en ce moment ?

Mais souvent, les doutes reviennent. Est-ce que physiquement je vais tenir, déplacer les caisses dans le froid ou sous la canicule, dans des étages, sur des chemins caillouteux, partout où on nous demande de venir poser notre caméra ?

Comment ça va se passer dans 20 ans, quand j’aurai 60 ans. Et même avant ? Est-ce que je vais être capable, jusqu’au bout, d’encaisser les horaires à rallonge en période de tournage ? Les journées  de 12h qui s’enchaînent? Les décalages  d’horaires dans  tous  les sens (on passe en mixte, on passe en nuit, on revient en jour…) qui font qu’au bout de 2-3 semaines de tournage on ne sait plus à quelle heure on doit manger, dormir… Est-ce que mon réseau va tenir lui aussi ?

Et quand les gens avec qui je travaille habituellement arrêteront ce métier, est-ce que j'arriverai encore à trouver du travail avec des plus jeunes. Est-ce qu'un.e jeune chef.fe op' aura vraiment envie de choisir une vieille assistante de 64 ans ?

 

La question de l’emploi des «seniors» dans nos secteurs et d’ores et déjà un sujet sensible. Quand on étudie les  chiffres concernant les tranches d’âge des salarié·es (données disponibles dans les «rapport de branche de la production  cinéma» par exemple), on voit clairement que la proportion des salarié·es baisse de moitié, voire plus, à partir de 50 ans, et encore plus tôt pour les femmes. Signe qu’il est difficile de continuer d’exercer notre métier passé un certain âge.

Les contrats se raréfient, ou alors les conditions de travail n’étant plus tenables, une partie d’entre  nous change de métier. Alors quand on nous dit qu’il va falloir travailler deux ans de plus, je ne pense pas à la joie que j’aurai de pratiquer mon «métier passion» encore plus longtemps. (il y a dans nos métiers ce “mythe du technicien” -oui plus souvent des hommes- qui continue d’exercer même après sa retraite. Là aussi, les chiffres le prouvent, on parle en réalité d’une centaine de personne en France…).

 

Je pense plutôt aux mois de galère qui vont s'ajouter, à l'angoisse de ne plus assez travailler pour décrocher le précieux maintien de droits au chômage jusqu'à ma retraite (si ça existe encore d'ici là ! En tous cas il y a fort à parier qu'il sera lui aussi décalé !).

 

J’imagine l’angoisse de me rendre compte qu’il faut que je fasse un autre métier, mais qu’il est trop tard pour changer de voie.

Pour moi, cette réforme n’est pas possible. Elle montre aussi clairement que ce gouvernement refuse absolument d’ouvrir les yeux  sur la réalité de l’emploi en France, dans nos secteurs comme dans d’autres. Travailler deux ans de plus, vraiment ? Ça va plutôt ressembler à passer deux ans de plus au chômage, en croisant les doigts pour qu’il soit indemnisé.

Alors tant qu’il est encore temps de faire bouger les lignes, je m’engage contre cette réforme, je vais aux manifs, je discute du sujet avec mes collègues… Et je pense à la grève si l’occasion se présente !

 

J'espère que lors de la prochaine journée de mobilisations, nous nous retrouverons dans le cortège,
sous les drapeaux du SPIAC-CGT !

Carine, membre du Conseil du SPIAC-CGT

Paris, le 13 février 2023

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