Lettre de réponse
des producteurs audiovisuels
du 25 octobre 2023

SPIAC-CGT
A l’attention du Conseil national
14/16 rue des Lilas
75019 Paris

Paris, le 25 octobre 2023,

Objet : Réponse des organisations professionnelles au courrier du SPIAC-CGT reçu le 3 octobre 2023

Mesdames, Messieurs,

Nous avons pris bonne note de votre demande de réouverture d’une négociation relative aux salaires minima conventionnels de la production audiovisuelle.

Pour rappel, l’avenant n°14 du 23 décembre 2022 a acté deux revalorisations successives bénéficiant à l’ensemble des salariés de la branche, au 1er janvier 2023 puis au 1er juillet 2023, assurant une évolution des salaires minima allant, selon les catégories de salariés, de 2,50% à plus de 12%.

Un effort avait été fait à cette occasion plus spécifiquement sur les plus bas salaires, peut-être les moins susceptibles de négocier des conditions salariales plus favorables et les plus touchés par le contexte inflationniste. Il était particulièrement important, pour les organisations de producteurs, de tenir compte du fait que de nombreux métiers devaient bénéficier d’une revalorisation plus importante, c’est pourquoi, de façon inédite, le taux des revalorisations n’a pas été le même pour toutes les catégories et niveaux de salaires.

Applicable au 1er septembre 2023, l’avenant n°15 du 28 juillet 2023 a ensuite de nouveau revalorisé de 1,50% les salaires minima applicables aux permanents soit une évolution de +7,50% sur 8 mois.

Nous entendons la demande des organisations syndicales de salariés pour une nouvelle revalorisation, mais le contexte économique de plus en plus difficile de la production audiovisuelle ne nous permet malheureusement pas d’y répondre favorablement à ce stade. Nous avons déjà eu l’occasion de vous exposer les problématiques auxquelles le secteur est confronté, avec de surcroît une variété d’économies importante.

Tout d’abord, il convient de couper court à l’idée selon laquelle la production audiovisuelle connaît actuellement un âge d’or. En effet, il faut entendre que malgré l’intégration des services de media audiovisuels à la demande dans la règlementation relative aux obligations de production, les investissements des plateformes étrangères sont ultra concentrés sur un nombre très réduit d’œuvres. Cette intégration ne bénéficie donc malheureusement pas à la grande majorité de la filière audiovisuelle qui s’adresse essentiellement aux éditeurs nationaux, lesquels font face à un marché publicitaire au mieux stable et à des ressources publiques contraintes pour France Télévisions et Arte. Il y a clairement deux marchés et celui des productions pour les plateformes étrangères reste une bulle limitée en volume et en emplois pour la filière.

Pour la production destinée aux éditeurs nationaux, on observe depuis plusieurs années une contraction des financements par projet. Pour la seule fiction française, l’apport horaire des diffuseurs a reculé de 17% entre 2007 (date de l’arrêté d’extension de la CCN Production audiovisuelle) et 2022. Et ce recul s’est nettement accéléré à la sortie de la COVID-19 puisqu’il est de 12% entre 2019 et 2022. Au final, la part des diffuseurs français dans le financement des œuvres de fiction est passée de 70,4% en 2007 à 61,9% en 2022. Cette baisse a quasiment été intégralement compensée par une augmentation du risque producteurs puisque la part de financement portée par ces derniers est passée dans le même temps de 11,1% à 19,8%.

Pour le documentaire, le sous-financement du genre par les diffuseurs est chronique. Leur part dans le financement des documentaires plafonne ces trois dernières années à hauteur de 45%. Elle a diminué de 10% depuis 2013, dans un contexte de hausse constante du coût horaire (+29% en dix ans). Cette baisse a été partiellement compensée par des financements internationaux mais surtout là aussi par une augmentation du risque producteur puisque la part de financement porté par celui-ci a augmenté de 9% sur dix ans.

Pour les jeux, magazines et divertissements, le financement est baissier chez tous les diffuseurs publics comme privés depuis maintenant une décennie. Cela se traduit donc par une baisse significative des budgets de chaque programme sur les antennes. Les chiffres sont spectaculaires, notamment chez France Télévisions, où le budget consacré à ces programmes a baissé de près de 20% en 10 ans. Ils ne reçoivent de plus aucune aide du CNC ou de la Procirep.

Les producteurs subissent également une inflation des coûts de production liée à l’inflation générale, notamment en matière énergétique, mais aussi des surcoûts importants liés à la disponibilité des auteurs, techniciens, comédiens, décors, matériels et studios, en raison de la concurrence des plateformes américaines.

En parallèle, l’explosion durable des frais financiers depuis un an et demi a des conséquences
significatives sur le coût des programmes audiovisuels : ces frais ont triplé en très peu de temps. Cela constitue, là encore, des charges supplémentaires à financer pour les producteurs.

Par ailleurs, le plan d’économies engagé par le CNC sur le fonds de soutien audiovisuel en 2018/2019 a conduit à un resserrement du périmètre des œuvres aidées dans différents genres et à une baisse significative du point permettant de calculer le soutien généré par œuvre sur le compte automatique des producteurs. Depuis, il n’a fait l’objet d’aucune revalorisation malgré nos multiples demandes. Or le soutien automatique permet justement de réinvestir dans les œuvres nouvelles pour l’année suivante. Cette problématique s’ajoute aux précédentes, et justifie le haut niveau de préoccupation des producteurs sur le contexte économique actuel.

Nous faisons aussi face à des difficultés de plus en plus grandes pour valoriser les œuvres, ceci étant lié à un contexte réglementaire qui nous oblige, depuis 2022, à céder des droits plus étendus aux diffuseurs.

Au final, la production française est soumise à un effet de ciseaux difficilement soutenable entre une augmentation générale de ses charges et une diminution régulière de ses financements et de ses recettes d’exploitation.

C’est dans ce contexte que les producteurs n’ont pas pu accorder de revalorisation salariale
supplémentaire cette année. Aussi, les organisations professionnelles ne peuvent répondre
favorablement à court terme à votre demande de réouverture des négociations des salaires minima conventionnels.

Toutefois, dans le cadre des prochaines négociations annuelles obligatoires prévues pour juillet 2024, les organisations professionnelles d’employeurs s’engagent à organiser et ouvrir très en amont ces discussions avec les organisations syndicales de salariés, par exemple dès la fin du premier trimestre 2024, afin de permettre de mener à bien ces futures négociations.

Nous vous prions d’agréer, Mesdames, Messieurs, l’expression de nos salutations respectueuses.

Pour le SATEV,
Florence BRAKA, Déléguée générale

Pour le SPECT,
Vincent GISBERT, Délégué général

Pour le SPI,
Sébastien COLIN, Délégué général

Pour l’USPA,
Stéphane LE BARS, Délégué général

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