Retraites :
Les professionnel·les
témoignent (n°4)

Julie, travailleuse dans le film d'animation

Pourquoi je me mobilise contre la réforme des retraites ?

 

Dans le film d’animation, 64 ans, c’est non aussi !

Je travaille dans la production de films d’animation, j’ai 29 ans, je travaille depuis 6 ans. Honnêtement, j’adore mon métier, tout ce que je souhaitais c’était dessiner sept heures par jour, et raconter des histoires me tenant à cœur.

Bien sûr il y a des sacrifices qu’impliquent cette carrière, la vie de famille quasi impossible avec mon style de vie, les 7 heures qui en deviennent parfois 10 pour finir un projet dans les temps, la compétition intense entre techniciens pour décrocher un nouveau contrat tous les 6 mois, la pression des cadences toujours plus élevées ainsi que les salaires qui stagnent voir baissent dans la profession.

Et puis je les vois, les premiers à tomber autour de moi, qui à force de tirer sur une tendinite ne dessineront peut-être plus jamais, ceux qui se sont flingués le dos, les yeux, sur le matériel peu adapté qu’on nous fournit au bureau. Les jeunes prêts à vendre leur talent pour une bouchée de pain dans l’espoir d’entrer dans la danse, et puis surtout le vide silencieux des séniors dans mon milieu qui montre bien combien il est difficile d’y rester…

 

Travailler jusqu'à 64 ans ? Ça ne parle à aucun de mes collègues !

 

Comment espérer entretenir aussi longtemps une passion, toujours plus exploitée pour des raisons lucratives, un entrain, une créativité dans ces conditions ? Je pense à ma mère qui est morte à 60 ans, elle a travaillé dure toute sa vie en attendant patiemment l’âge de la retraite pour réaliser certains de ses rêves et n’en aura finalement jamais l’occasion.

Je refuse ce destin pour nous tous ! Je veux pouvoir un jour recréer pour le simple plaisir de créer, libérée de la contrainte de l’emploi. Je veux pouvoir regarder sereinement ce que les jeunes générations vont inventer dans mon milieu sans jouer aux chaises musicales avec elles. Je veux soutenir cette belle idée qu’on a tous droit au repos après des années à cavaler pour gagner de quoi vivre.

 

C'est pourquoi je suis encore descendue dans la rue aujourd'hui, et je remercie tous ceux qui donnent de leur temps et énergie pour que ce projet de réforme absurde ne voit pas le jour.

Julie

Paris, le 16 février 2023

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