DEUX NOUVELLES AVANCEES CAPITALES
POUR LES REALISATEURS !
LA PRESOMPTION DE SALARIAT DU REALISATEUR
ENFIN INSCRITE DANS LA LOI
LES REALISATEURS PASSENT DE L’ANNEXE VIII
A L’ANNEXE X DE L’ASSURANCE CHOMAGE
1) LA PRESOMPTION DE SALARIAT DU REALISATEUR INSCRITE AU CODE DU TRAVAIL LE 8 JUILLET 2016
Si la qualité d’auteur du réalisateur est garantie par le Code de la propriété intellectuelle – le droit d’auteur étant la rémunération proportionnelle à la recette d’exploitation d’une œuvre – aucune loi ne stipulait que le travail du réalisateur doit être rémunéré sous forme de salaire dès lors que le réalisateur est placé sous la responsabilité économique du producteur, ce qui concerne l’essentiel de son temps de travail, des repérages jusqu’à la dernière étape de postproduction. Cette absence de texte a donné lieu à de nombreux abus (temps de travail non payé, paiement de préparations et de finitions en « droits d’auteur », globalisation de la rémunération, etc.).
Jusqu’à présent le salariat du réalisateur (hormis dans le cinéma où nous avons négocié non sans mal la Convention collective appliquée depuis le 1er octobre 2013) reposait sur l’usage selon lequel le réalisateur était « assimilé » au « metteur en scène » qui figure dans la liste des artistes du spectacle bénéficiant de la présomption de salariat à l’article L.7121-2 du Code du travail, ce qui a été la source de nombreux litiges1.
Pour enfin donner une garantie juridique au salaire du réalisateur, le SFR-cgt a proposé un amendement à la « Loi liberté de la création, architecture et patrimoine » ajoutant « le réalisateur », au même titre que « le metteur en scène », à la liste du Code du travail des artistes du spectacle bénéficiant de la présomption de salariat (cf. pièce jointe).
La loi promulguée au Journal officiel le 8 juillet 2016 modifie ainsi le Code du travail :
CODE DU TRAVAIL
Article L7121-2
(Modifié par LOI n°2016-925 du 7 juillet 2016 – art. 46)
Sont considérés comme artistes du spectacle, notamment :
(…)
l0° Le metteur en scène, le réalisateur et le chorégraphe, pour l’exécution matérielle de leur conception artistique.
En conséquence le réalisateur bénéficie des garanties des articles L7121-3 et 4 du Code du travail :
« Tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce.
La présomption de l’existence d’un contrat de travail subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération, ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties.
Cette présomption subsiste même s’il est prouvé que l’artiste conserve la liberté d’expression de son art. »
C’est-à-dire que désormais – sauf si le réalisateur est son propre producteur (inscrit au registre du commerce) – tout engagement d’un réalisateur, qu’il y ait contrat écrit ou non (« s’assurer le concours d’un artiste du spectacle ») constitue de fait un contrat de travail salarié et que tout contrat d’auteur qui couvrirait « l’exécution matérielle de la conception artistique » du réalisateur (repérages, distribution des rôles, préparation technique, etc.) sera requalifié en contrat de travail salarié.
Autres conséquences :
– La loi consolide l’application à tous les réalisateurs de l’abattement de 30% consenti aux artistes sur les cotisations URSSAF (part salarié et part employeur) qui selon la Cour d’appel de Paris (octobre 2009) ne visait que « le metteur en scène dont l’activité se confond très souvent avec celle du réalisateur ».
– En tant qu’artistes du spectacle les réalisateurs relèvent désormais de l’Annexe X de l’assurance chômage (cf. ci-dessous).
2) LES REALISATEURS SONT DANS L’ANNEXE X DE L’ASSURANCE CHOMAGE A COMPTER DU 1er AOUT 2016
Le champ d’application de l’Annexe X est le suivant :
« Les bénéficiaires de la présente annexe sont les artistes tels qu’ils sont définis aux articles L. 7121-2, L. 7121-3, L. 7121-4, L. 7121-6 et L. 7121-7 du code du travail engagés au titre d’un contrat de travail à durée déterminée. »
Les réalisateurs sont donc ressortissants de l’Annexe X à compter du 1er août 2016 (Décret du 13 juillet 2016).
Ce que cela change pour les réalisateurs :
Il n’y a plus de référence au Code NAF de l’employeur.
Est considérée comme une activité du spectacle l’ensemble des heures de travail réalisées en tant qu’artiste (y compris résidence, activités connexes et toute autre activité prévues par les conventions collectives). Ceci nous permet d’entamer des négociations pour la salarisation de l’accompagnement des films par les réalisateurs.
Les réalisateurs sont payés au « cachet »2, chaque cachet étant comptabilisé pour 12 heures qu’il soit « groupé » ou « isolé ». On peut donc ouvrir des droits avec 43 jours de travail (43 x 12 = 516 heures).
Pour chaque cachet effectué dans un mois en cours d’indemnisation, le nombre de jours non indemnisables dans ce même mois (« décalage mensuel ») est de 1,56, soit 3 jours non indemnisés pour deux jours travaillés. Dans l’annexe VIII le décalage est de 4 jours non indemnisés pour deux cachets de 12 heures effectués.
Un taux d’indemnisation supérieur à celui de l’Annexe VIII. Par exemple pour 507h au tarif dérogatoire du cinéma (1.380,70€/sem) l’allocation est de 56,91€/jour contre 51,96€/jour dans l’Annexe VIII.
Une allocation plancher de 44€ contre 38€ dans l’Annexe VIII.
Pour les réalisateurs de 62 ans3 ou plus, les jours de Congés Spectacles sont pris en compte à raison de 12 heures par jour (contre 8 heures par jour dans l’Annexe VIII) dans le calcul des 9.000 heures d’ancienneté dans le spectacle nécessaires pour obtenir la prolongation (« maintien ») de l’indemnisation chômage jusqu’à la retraire à taux plein.
Mesures transitoires :
Les réalisateurs ayant ouvert leurs droits antérieurement au 1er août demeurent dans l’Annexe VIII en application du règlement de 2014 jusqu’à l’épuisement de leurs 243 allocations. Pour le décalage mensuel leurs cachets continueront à être comptabilisés pour 8 heures ou 12 heures selon qu’ils soient « groupés » ou « isolés ».
Cependant lors de leur prochaine réadmission ces mêmes cachets seront tous comptabilisés pour 12 heures rétroactivement sur les 12 mois précédents pour calculer leurs nouveaux droits dans l’Annexe X.
Les réalisateurs ouvrant des droits à compter du 1er août 2016 (date de fin de contrat) seront provisoirement dans la nouvelle Annexe VIII (avec tous les cachets comptabilisés pour 12 heures) jusqu’en décembre, l’informatique de Pôle Emploi n’étant pas encore adaptée. Au mois de décembre leurs droits seront recalculés dans l’Annexe X rétroactivement au 1er août et donneront lieu à régularisation des sommes dues en fonction de la diminution des décalages mensuels et de l’augmentation du taux de l’allocation. Il faudra surveiller cela de près.
Bien entendu, au-delà de ces spécificités, les réalisateurs bénéficient de toutes les améliorations que nous avons obtenues avec notre Fédération CGT du Spectacle par l’Accord professionnel du 28 avril 2016 :
507 heures en 12 mois pour un an maximum d’indemnisation avec date anniversaire,
prise en compte des heures d’enseignement,
prise en compte de jours de maternité, d’adoption et de maladie ALD,
règle de proratisation des mois incomplets plus juste,
clause de rattrapage à défaut des 507 heures,
assouplissement de la règle de maintien jusqu’à la retraite,
augmentation de la cotisation patronale,
suppression de l’abattement pour frais professionnels,
etc., etc.
C’est l’action syndicale qui a permis ces avancées.
C’est le travail militant du SFR-cgt depuis des années qui a permis de faire aboutir nos revendications pour la présomption de salariat et l’assurance chômage des réalisatrices et réalisateurs. Le travail est loin d’être terminé. Il faudra être extrêmement vigilant sur l’application des nouvelles règles car elles ne plaisent pas à tous.
Nous reprenons à la rentrée la négociation pour établir enfin, comme nous l’avons fait pour le cinéma, l’Annexe Réalisateurs de la Convention collective de la production audiovisuelle avec salaires minima.
Il reste beaucoup d’autres batailles à gagner (paiement de l’écriture, lutte contre le formatage, accompagnement des films, exploitation des films…)
Paris, le 16 août 2016