Vous êtes notoirement favorable à l’extension de la convention collective du cinéma. Elle était respectée sur votre film ?
Alain Guiraudie :
Non. Faute d’un financement suffisant, les gens ont été payés 20% en dessous du tarif. Mais on a été très réglo en termes d’horaires. Cela dit, on va rectifier cela a posteriori, grâce à de l’argent d’Arte qui est arrivé après le tournage, et l’équipe devrait être payée au tarif, moi y compris.
Mais de fait, votre film, n’aurait pas pu se faire sous le régime de la convention étendue ?
C’est une vraie question. Ce débat est surtout pour moi l’occasion de réaffirmer qu’il est normal que faire des films coûte cher en salaires, parce que le cinéma est fabriqué par des gens, pas seulement par une caméra, des projecteurs et des camions. Le statu quo actuel, qui consiste à continuer à fabriquer de plus en plus de films en rognant de plus en plus les salaires, ne me convient pas. Si cela continue, je sens que moi-même j’aurais beaucoup de souci à me faire. Et que je vais finir par réaliser des films tout seul, parce que j’en aurais marre que l’on me dise que mon cinéma est important mais qu’il faut que je le fasse avec des miettes. Avec le recul, je me pose des questions sur mes précédents films, aussi.
Comment cela ?
Voici venu le temps avait été budgété à 3 millions d’euros, mais on n’en avait trouvé que 700 000, et on s’était dit, c’est pas grave, on y va. Mais, du coup, fallait-il le faire quand même ? Je ne suis pas sûr aujourd’hui. Quand je le revois, je ne sais plus trop où est sa cohérence, quelque chose s’est dilué dans le compromis économico-artistique. Quoi qu’il en soit, je crois qu’il faut cesser de faire de l’élément humain du cinéma la variable, faire comme si c’était les travailleurs qui plombaient le système. Il y a énormément de richesse dans le cinéma français, qui n’est pas justement redistribuée. Si les films dits de la diversité sont si importants, cela ne devrait pas être très compliqué de trouver les quelques millions qui manquent pour qu’ils puissent exister sans écraser ceux qui les font.