Le 28 février prochain, l’Académie des Césars décernera, pour sa quarante-cinquième édition, des prix à celles et ceux qui font le cinéma.
Cette cérémonie intervient aujourd’hui dans un contexte particulier.
Si nos organisations sont profondément opposées à toute forme de censure, et si elles sont pleinement conscientes que certains Césars ont vocation à récompenser l’excellence du travail des équipes techniques, le signal donné à travers les douze nominations du film « J’accuse » sonne comme une provocation pour toutes celles et tous ceux qui s’insurgent, et particulièrement ces dernières années, contre les rapports de domination dans nos métiers, dans le Cinéma. C’est un bien mauvais message délivré à toutes celles qui ont brisé le silence sur les violences sexistes et sexuelles infligées aux femmes par ceux qui sont en situation de pouvoir sur les films, en premier lieu le réalisateur, ou le producteur.
Même si certains considèrent que ce qui est nominé est l’œuvre et non l’homme, il est difficile de s’accommoder de cette explication, surtout quand elle s’applique à un réalisateur qui échappe à la justice en refusant la confrontation avec son histoire.
Dans nos métiers – techniciennes, comédiennes – ou dans d’autres secteurs, les femmes sont victimes depuis longtemps d’une violence insupportable. Cette violence doit cesser. Le cinéma, par sa force et sa visibilité, doit être exemplaire et à la pointe de ce combat.
Ce n’est pas le message envoyé aujourd’hui.
Une autre violence dont les femmes sont victimes est la violence sociale : des postes auxquels elles ne peuvent pas, ou difficilement accéder, des salaires inférieurs, une représentation très faible dans les instances… La profession cinématographique n’échappe pas à ce tableau déplorable.
Dans un contexte où des millions de salarié.e.s s’indignent d’une politique toujours plus féroce, qui remet en cause l’essentiel de leurs droits acquis et l’ensemble du modèle social français, le Cinéma se fait bien peu (trop peu) entendre. Et pourtant, le système de retraite, mais aussi la santé, l’éducation, la recherche, et la Culture elle-même, sont sacrifiés sur l’autel d’un libéralisme tout puissant.
Où est le cinéma français qui, à travers son histoire, a porté tant de ces combats et de ces rages, qui a su dire la colère, l’indignation de celles et ceux qui travaillent face au mépris des dominants ?
Est-il sourd aujourd’hui aux cris de la rue ?
Le cinéma doit sortir de l’entre-soi et de son auto-protection. Il doit accepter de se remettre en cause, de la même manière que doit être reconsidéré le fonctionnement de l’Académie des Césars, dénoncé à juste titre, qui repose pour l’essentiel sur la cooptation et reste très loin d’une quelconque parité.
Le Cinéma doit s’ouvrir aux femmes, de la même manière qu’il doit s’ouvrir à l’ensemble de notre société, pour y raconter toutes nos vies, pour faire coexister tous nos regards, nos sensibilités, nos soifs du monde et de ses représentations.
C’est à ce renouveau que notre organisation syndicale aspire, à travers la défense des salarié.e.s qui font le cinéma.
Nous serons présents le 28 février prochain devant la Cérémonie des Césars au côté des associations féministes et des travailleuses du Cinéma pour réveiller le cinéma, pour qu’à son tour il nous secoue, qu’il nous interroge sur le monde, qu’il enrichisse notre regard, et pour qu’il reste l’art exigeant qu’il a su être.
Paris, le 14 février 2020 le Conseil national du SPIAC-cgt