Début d’analyses, réflexions et revendications qui seront amenées à évoluer dans les prochains jours

[MàJ du 16 mars 2020, à 17h54]

  • 1- La date du 30 janvier 2020
  • 2- Rupture du contrat de travail
  • 3- Suspension du contrat de travail
  • 4- Assurance chômage
  • 5- Assurance maladie
  • 6- Le contrat de travail

1 – La date du 30 janvier 2020.

A cette date l’OMS a qualifié l’épidémie de Coronavirus “d’urgence de santé publique de portée internationale“. Cette déclaration a une incidence directe sur notre secteur d’activité et nos contrats de travail.

Pour tous les contrats signés avant cette date l’employeur peut invoquer un cas de force majeure pour arrêter ou suspendre le contrat de travail avec la possibilité pour lui de contourner les obligations légales essentielles en matière de rupture de contrat (procédures, indemnités de licenciements etc..). La loi et la jurisprudence sont claires pour être qualifié de force majeur, l’évènement en question doit avoir à la fois un caractère, imprévisible, irrésistible et extérieur aux contractants ce qui est le cas du coronavirus.

Il semblerait que le ministère de la culture et les partenaires sociaux du secteur soient d’accord sur cette lecture.

La déclaration de l’OMS, fait que le cas de force majeure ne peut plus être évoqué après cette date. Pour autant, cette appréciation de la force majeure doit être analysée au mieux et nous communiquerons sur cette question au fur et à mesure que l’information nous parviendra. En pratique deux situations peuvent se présenter : arrêt du tournage avec rupture définitive du contrat de travail ou report, interruption avec la suspension temporaire du contrat de travail.

2 – Rupture du contrat de travail.

Il faut noter que pour les CDD la loi prévoit un régime particulier même en cas de force majeure. L’article L1243-4 du code du travail stipule : « La rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-8. Toutefois, lorsque le contrat de travail est rompu avant l’échéance du terme en raison d’un sinistre relevant d’un cas de force majeure, le salarié a également droit à une indemnité compensatrice dont le montant est égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat. Cette indemnité est à la charge de l’employeur. »

La convention collective de la production cinématographique dans son article 15 titre II confirme : « En cas de force majeure compromettant définitivement la poursuite de l’exécution du contrat de travail, le contrat prend fin et le salarié percevra une indemnité équivalente aux rémunérations qu’il aurait perçues s’il avait travaillé jusqu’au terme du contrat en cas de contrat à terme précis ou jusqu’à la fin de la durée minimale de travail lorsque le contrat est conclu sans terme précis, conformément à l’article L. 1243-4, alinéa 2, du code du travail. »

Conclusion : Si l’employeur décide un arrêt définitif du tournage, il devra verser au salarié une indemnité correspondant au montant des rémunérations que celui-ci aurait normalement perçu si le contrat avait couru à son terme.

3 – Suspension du contrat de travail.

La suspension a un effet temporaire et le contrat de travail produit ses effets de plein droit dès que la cause de la suspension disparait.

Cette suspension doit être signifiée par écrit aux salariés avec ses dates d’effets, l’employeur doit pour cela obtenir une autorisation administrative qui lui permettra également de mettre son entreprise en activité partielle.

L’article 15 du titre II de la convention collective du cinéma précise : « ..En cas de force majeure compromettant provisoirement la poursuite de l’exécution du contrat de travail, le contrat est suspendu et reprend effet lorsque la cause de force majeure a disparu. Le salarié devra reprendre le travail et poursuivre l’exécution du contrat jusqu’au terme initialement prévu si celui-ci n’est pas encore échu. Le contrat de travail pourra également être rompu avant le terme initialement prévu ou la fin de la période minimale d’engagement d’un commun accord entre les parties, formulé par écrit. »

A l’issue de cette période de suspension chacun doit donc retrouver son poste et son salaire jusqu’à échéance prévue du contrat de travail. Avec la procédure de suspension les salariés bénéficient de la garantie de reprendre leurs postes et leurs salaires à la reprise du tournage.

4 – Assurance chômage.

Pendant la période de suspension, les salariés bénéficient de l’application de l’annexe 8 de l’assurance chômage dans des conditions normales et dans les limites de la réglementation de cette annexe. Ils doivent donc continuer de manière normale leur déclaration mensuelle.

En cas d’arrêt définitif et de rupture du contrat de travail avec indemnisation de la durée de contrat non exécutée. L’article 5 de l’annexe 8 du règlement général de l’assurance chômage produit pleinement ses effets : « En cas de fin de contrat de travail pour fermeture définitive d’un établissement ou pour interruption du tournage d’un film par l’entreprise, la durée non exécutée du contrat de travail de l’intéressé est prise en compte comme durée de travail effective pour l’appréciation de la condition d’affiliation visée aux articles 3 et 10 § 1er sans que cette prise en compte puisse dépasser la date d’effet d’un nouveau contrat de travail. »

Les heures du contrat non effectuées, mais payées et soumises à cotisations sociales génèrent donc les droits sociaux afférents notamment pour la recherche des droits à l’assurance chômage. A titre exceptionnel, le président de la république et le gouvernement se sont engagés à prendre en charge le coût total du chômage partiel c’est-à-dire 84% du salaire net.

En pratique, l’employeur après l’autorisation administrative de suspension d’activité, doit déclarer ses employés en activité partielle, leur verser les salaires qui lui seront remboursés par l’état dans un deuxièmes temps.

Cette mesure pourrait en théorie bénéficier à nos secteurs si les conditions de mise en œuvre étaient rapidement définies par une concertation entre le gouvernement et les partenaires sociaux de notre secteur. Elle aurait le double avantage de :

– permettre aux salariés de toucher 84% de leur salaire net, indépendamment de l’application des règles particulières et restrictives de l’annexe 8.

– ménager les finances de l’assurance chômage, la prise en charge étant faite par l’état.

5 – Assurance maladie.

En plus des situations normales de prise en charge par l’assurance maladie, en raison des circonstance les salariés sous contrat de travail peuvent bénéficier d’un congé pour garde d’enfant indemnisé par l’assurance maladie. C’est l’employeur qui doit en faire la demande auprès de la sécurité sociale. Pour l’instant ce congé est plafonné à 20 jours et sera probablement prolongé si la fermeture des écoles devait se poursuivre.

6 – Le contrat de travail.

De nombreuses leçons seront à tirer de cette crise, mais dans l’immédiat nous pouvons déjà constater que le contrat de travail est un outil essentiel de protection des droits des salariés.

Peut-être acceptons nous trop facilement et trop souvent son absence et sa remise tardive, peut-être avons-nous accepté trop facilement sa segmentation (contrat de prépa, de tournage, de finition) ?

Quoiqu’il en soit, en l’absence de contrat écrit, la responsabilité de l’employeur est engagée et le contrat est présumé existant et tous les indices sont admis pour établir son existence (échange de mails, fiches de renseignements, feuilles de services, avances etc..).

L’absence de contrat complique les choses mais ne les rend pas impossibles.

Le Krach industriel qui menace le secteur du cinéma et de l’audiovisuel est redoutable, production, distribution, exploitation, festival tout est impacté !

Comme toute crise celle-ci va avoir des effets économiques et sociaux dévastateurs et l’urgence est de rechercher tous les moyens pour en limiter les effets, nous pouvons largement pour cela puiser dans l’arsenal juridique existant et les mesures annoncées.

Pour cela, la concertation entre les partenaires sociaux du secteur, le ministère de la culture et le ministère du travail doit aboutir rapidement à la mise en place de mesures d’urgence :

– Tous les contrats de travail doivent être établis.

– Toutes les interruptions de tournage doivent être qualifiées de suspension de contrat : c’est la garantie pour les salariés de retrouver leur travail à l’issue de cette crise et de bénéficier d’une couverture sociale pendant cette suspension.

– Les effets de cette situation exceptionnelle sur notre régime d’assurance chômage doivent être neutralisés : les dates anniversaires doivent être repoussées, le délai de la clause de rattrapage prolongé d’autant, les promesses d’embauche doivent être prise en compte pour la recherche des heures.

– Nous devrions comme tous les salariés de France bénéficier des mesures exceptionnelles de chômage partiel. Les indispensables aides économiques pour la relance du secteur doivent être fléchées en priorité vers l’emploi. Ensemble prenons la mesure des dégâts, faisons remonter l’information à nos associations et organisations syndicales.

Restons debout ! et n’ayons pas peur d’être exigeants ! Vigilance, respect des consignes sanitaires et Solidarité !

Paris, le 16 mars 2020, le Conseil national

 

20200316-corona-et-tournage

 

Retour en haut