Par Me Rachel SAADA et Nicolas VIARD du cabinet L’ATELIER DES DROITS, avocats au Barreau de Paris, 20 Rue Saint Martin – 75004 PARIS (01 42 78 60 34), avec la participation de Caroline Le CALVEZ, élève-magistrate.
Problématique : Le nombre de litiges relatifs à la formation du contrat de travail montre qu’il n’est pas toujours aisé de caractériser la notion de promesse d’embauche, tant pour les employeurs que pour les candidats à l’emploi ; les premiers soutenant que leurs propos ne constituaient que de simples pourparlers d’embauche, ou encore une offre d’embauche ; les seconds prétendant, au contraire, avoir bénéficié d’une véritable promesse d’embauche. En présence de tels litiges, il est donc essentiel de pouvoir cerner les différents concepts.
La situation particulière liée à l’épidémie de covid-19 met en lumière, notamment dans le secteur de l’audiovisuel et du cinéma, le fait que certains employeurs ont refusé le bénéfice du chômage partiel à des salariés, au motif qu’ils n’avaient pas encore signé leur contrat, alors pourtant qu’une promesse d’embauche a pu être conclue.
En l’état du droit actuel :
Le contrat de travail est soumis aux règles de droit commun des obligations qui a été réformé fin 2016. Le contrat se forme dès l’échange des consentements du salarié et de l’employeur. L’analyse de l’échange des consentements appelle quelques précisions.
Désormais, depuis la réforme de 2016, la promesse d’embauche ne vaut plus systématiquement contrat de travail comme auparavant (Soc. 15 décembre 2010, n°0842.951). Depuis un arrêt du 21 septembre 2017, appliquant la réforme, il faut distinguer l’offre et la promesse unilatérale de contrat de travail (Soc. 21 septembre 2017, n°1620.103).
D’un côté on trouve l’offre de contrat (articles 1114 et suivants du code civil). Elle constitue une manifestation unilatérale de volonté qui engage son auteur (l’employeur) si elle détermine les éléments essentiels de l’emploi (emploi proposé, rémunération, date d’entrée en fonction…) et qu’elle exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation. Cependant, elle peut être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire (le salarié) et sa rétractation dans le délai qui avait été laissé au salarié pour l’accepter ou à défaut dans un délai raisonnable, n’engage que la responsabilité extracontractuelle de l’employeur. Le salarié ne peut pas se prévaloir d’un contrat de travail.
De l’autre côté, on trouve la promesse unilatérale de contrat (article 1124 du code civil). Elle est un contrat générateur d’obligations par lequel le promettant (l’employeur), accorde au bénéficiaire (le salarié) le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail, dont les éléments essentiels de l’emploi (emploi proposé, rémunération, date d’entrée en fonction…) sont déterminés et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. L’employeur ne peut se rétracter d’une telle promesse, même si le salarié n’a pas encore donné son accord, et la levée par le salarié de l’option dans les délais prévus formera le contrat de travail, même si l’employeur avait prétendu antérieurement rétracter la promesse. C’est donc seulement si l’acte juridique par lequel s’engage l’employeur répond à ces exigences qu’il vaudra « promesse d’embauche ».
Une offre repose sur une seule manifestation de volonté, celle de l’offrant-employeur. Au contraire, la promesse unilatérale est un contrat qui naît de la rencontre de deux volontés. Il est donc nécessaire que chacune des deux parties consente : l’employeur doit émettre sa volonté de conclure un contrat de promesse et le salarié doit émettre sa volonté de conclure ce même contrat de promesse.
En définitive, en cas de litige, ce sera au juge de déterminer s’il s’agit d’une offre ou d’une promesse. Actuellement, la chambre sociale de la Cour de cassation opte plutôt en faveur de la liberté contractuelle de l’employeur (puisque la requalification d’une promesse en offre d’embauche permet une rétractation libre de l’employeur, éventuellement contre paiement de dommages et intérêts).
Il sera encore possible de conclure de véritables promesses d’embauche, mais la découverte par le juge d’une promesse d’embauche ne sera possible qu’à la condition de justifier d’un droit d’opter laissé au candidat par l’employeur et d’identifier deux manifestations de volonté distinctes du candidat à l’embauche (l’une permettant la conclusion du contrat de promesse, l’autre caractérisant la levée de l’option).
Exemples de décisions ayant retenu la qualification de promesse d’embauche : CA Aix-enProvence, 4e et 1re chambres réunies, 21 Février 2020 – n° 17/17870 ; CA Bordeaux, Chambre sociale, section A, 11 Décembre 2019 – n° 17/04246 ; CA Paris- Pôle 06 ch. 10 – 25 septembre 2019 / n° 18/02434 ; CA Douai – ch. Sociale 27 septembre 2019 / n° 1490/19 ; CA Lyon – ch. sociale B – 5 avril 2019 / n° 17/05270 ; CA Versailles – ch. 21, 28 novembre 2019 / n° 17/04034 ; CA Toulouse, 4ème Chambre, Section 1, Arrêt n° 2018/781 du 21 décembre 2018, n° 17/05545 ; CA Toulouse, 4ème Chambre, Section 1, Arrêt nº 2018/780 du 21 décembre 2018, n° 17/05544.
En revanche, la promesse d’embauche ne repose sur aucun formalisme particulier, contrairement à ce que sous-entendent certains employeurs en se fondant sur le document FAQ du Ministre de la Culture pour les employeurs culturels pour refuser l’accès au chômage partiel pour certains salariés. En effet, comme le démontrent les jugements et arrêts des juges du fond, une « promesse d’embauche formalisée » sera caractérisée lorsqu’un faisceau d’indices (échanges de courriels, plannings, plan de travail, détails de projets artistiques…) démontrera que le candidat à l’embauche a levé l’option qui était la sienne et s’est engagé à travailler pour son employeur en bloquant son agenda de travail.
Note en version PDF consultable et téléchargeable ci-dessous.
Note-promesse-dembaucheAddendum SPIAC-CGT
Cette jurisprudence sur la promesse d’embauche s’impose aux employeurs, mais est également opposable à l’administration en cas de contrôle sur les conditions du recours à l’activité partielle.
Exemples de décisions ayant retenu la qualification de promesse d’embauche :
- Cour d’Appel – Aix-en-Provence, 4e et 1re chambres réunies, 21 Février 2020 : La Cour se basant sur un échange de courriels et de courrier entre un employeur et un salarié conclue « Ces éléments suffisent à caractériser d’une part l’existence d’une promesse d’embauche ferme et suffisamment précise adressée par Y… à X… qui l’a acceptée et valant contrat de travail.. ».
- Cour d’Appel – Bordeaux, Chambre sociale, section A, 11 Décembre 2019 : Face à un employeur qui conteste la réalité de l’acceptation par le salarié de la promesse d’embauche, la cour retient comme éléments de preuve les courriers électroniques envoyés au candidat à l’embauche et relatifs au projet sur lequel il devait travailler et conclue que cela « démontre que X… travaillait d’ores et déjà à cette période pour la SASU BSO et qu’il avait donc accepté la promesse unilatérale d’embauche émise par celle‐ci. ».
- CA Lyon – ch. sociale B – 5 avril 2019 / n° 17/05270 : « Il résulte des termes de la promesse d’embauche reçue par D B selon courriel du 1er septembre 2009 que cette promesse d’embauche est ferme, qu’elle est adressée à D B nommément désigné et qu’elle précise l’emploi proposé, la date d’entrée en fonction et le montant de la rémunération. La cour dit en conséquence qu’il a existé entre la société TAD et D B une promesse d’embauche qui vaut contrat de travail. La circonstance que la promesse d’embauche n’a pas été signée par le gérant de la société TAD est inopérante dès lors que la transmission de cette promesse d’embauche a été réalisée suivant pièce jointe à un courriel transmis par ce gérant et que cet envoi caractérise donc un engagement ferme et définitif de la part de la société TAD ».
- Cour d’Appel de Dijon – ch. Sociale – 11 mai 2017 : Dans deux de ses attendus, la cour affirme :
- – « Que les courriels et plannings qui précisent la nature de l’emploi, le rôle attribué, la date d’entrée en fonction, la durée prévisible de la tournée, corroborés par les plaquettes de présentation diffusées, s’analyse comme l’ont justement retenu les premiers juges en une promesse d’embauche, acceptée par Mme X ainsi qu’il résulte des courriels échangés, valant contrat de travail et ayant pour terme la réalisation de l’objet pour lequel elle avait conclue. ».-
- « Qu’en application de l’article L1243-4 qui prévoit que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur en dehors du cas de faute grave ouvre droit pour le salarié à des dommage et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçus jusqu’au terme du contrat. Mme X est en droit de prétendre comme l’ont justement retenu les premiers juges au paiement des cachets qu’elle aurait dû percevoir jusqu’à la fin des représentations prévues à son planning de travail. ».
Addendum en version PDF consultable et téléchargeable ci-dessous.
Note-contrat-SPIAC-Addendum-v2