Laurent Joffrin se gausse du « paradoxe » de Robert Guédiguian, héraut de la lutte des classes, qui a vu la lumière de la vérité transcendantale du libéralisme économique : « il est des cas où l’excès des lois sociales menace la production », (dit plus crûment : les intérêts des salariés ne sont pas ceux des actionnaires).

Non, Guédiguian n’a pas été touché par la grâce du libéralisme ; en bon marxiste il illustre le précepte du vieux Karl : la condition crée la conscience.

Car Guédiguian est un patron, président de la société par actions simplifié Agat Films et cie (chiffre d’affaires 10 millions d’euros, 63 salariés), principal actionnaire de la société Ex Nihilo (2,5 millions d’euros de chiffre d’affaires) et président de la holding La nouvelle financière Timbaud (capital 7,6 millions d’euros).

Sa société Agat Films siège dans les instances du syndicat patronal – oui, le coco de l’Estaque est syndicaliste – Syndicat des Producteurs Indépendants (SPI) qui est liée dans une triple alliance avec l’Union des Producteurs de Films d’Alain Terzian et Luc Besson (UPF) et l’Association des Producteurs de Cinéma (APC) présidée par Marc Missonnier, producteur du film le plus cher du cinéma français récent, Astérix et Obélix : au Service de Sa Majesté, (62 millions d’euros, avec cachets de vedettes mirobolants à la clé, largement délocalisé).

L’APC appartient au Medef et a financé généreusement la campagne de dénigrement de la Convention collective du cinéma à coups d’agences de communication et d’attachés de presse engagés pour faire pression sur le gouvernement.

Et le « cinéma d’auteur » dans tout ça ? Guédiguian est le cache-sexe volontaire d’un patronat de combat qui pour préserver et augmenter ses marges (le cinéma français c’est un milliard trois cents mille euros) s’attaque non à une convention collective, mais au code du travail.

Contrairement à ce qu’écrit Laurent Joffrin : « dans une économie mixte, à la fois libérale et sociale (il oublie que le cinéma échappe, grâce à « l’exception culturelle », à l’économie de marché ; c’est une économie régulée et subventionnée) l’affaire se résoudra par un compromis de type social-démocrate entre droits des salariés et les nécessités de la production de films » car le compromis a déjà eu lieu par la signature le 19 janvier 2012 de la Convention collective nationale de la production cinématographique dans le parfait respect du code du travail (largement raboté par les lois Fillon) après dix ans de négociations sous des gouvernements de droite.

Toutes les concessions ont déjà été faites par les syndicats de salariés : dérogation au code du travail en fixant les limites de la durée de travail à 46 heures en moyenne sur douze semaines à laquelle s’ajoute les « heures d’équivalence » portant la durée à 60 heures hebdomadaires, etc.

Cela ne suffit pas à la triple alliance.

Pour elle, le code du travail (paiement des heures supplémentaires, temps de repos, travail de nuit, etc.) ne doit pas s’appliquer au cinéma au nom de l’art… et de l’argent.

Le 1er juillet 2013 est paru au Journal Officiel l’arrêté d’extension signé par Michel Sapin de la Convention collective du cinéma avec application inconditionnelle au 1er octobre.

La loi s’appliquera, sinon les ouvriers, techniciens et réalisateurs, salariés intermittents du cinéma, n’ont pas dit leur dernier mot.

Daniel Edinger
Secrétaire général
Syndicat français des réalisateurs Cgt

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