« Je fais du cinéma pour montrer des choses qu’on ne voit pas ou peu », clame le cinéaste Aveyronnais Alain Guiraudie. Trois ans après le fantaisiste Roi de l’évasion, l’intéressé nous revient en grande forme avec une œuvre qu’il qualifie de « huis-clos à ciel ouvert ». L’histoire ? Des hommes lézardent au bord d’un lac du Var en tenue d’Adam, se zieutant avec concupiscence avant de céder à une baise rapide. Parmi eux, Franck (Pierre Deladonchamps), jeune célibataire qui tombe en pamoison devant Michel (Christophe Paou), un moustachu façon Tom Selleck dont il apprécie les mensurations intimes… Seul hic ? Cet inconnu du lac est un assassin. Présenté en mai dernier à Cannes, le film y a fait sensation.
Habitué à « l’amour-camarade », Guiraudie investit cette fois le champ de l’amour-passion. « Je voulais aller jusqu’au bout du romantisme, explique-t-il avec un fort accent du Sud. Et montrer ce qu’on est capable de faire pour vivre sa tentation ». Sans jamais délaisser l’écrin bucolique du lac, il filme ses acteurs impudiquement.
Pas fan du mariage pour tous
Et dans cet embouteillage phallique, tout est explicite, de la fellation à l’éjaculation. « Le sexe et les organes génitaux en fonctionnement sont un peu la dernière ellipse du cinéma, regrette-t-il. Aujourd’hui, tous les grands élans amoureux sont filmés au-dessus de la ceinture. Pour moi, le sexe fait partie de l’amour et de la passion ».
Malgré ses apparences, cette « comédie qui va vers l’angoisse » n’est pas un film sur l’homosexualité mais plutôt une plongée troublante dans les méandres du désir. « Ce n’est plus vraiment pertinent de faire de la question homosexuelle une question de cinéma », maugrée-t-il. Alors que l’affiche dudit film a été bannie à Versailles et Saint-Cloud à cause de son baiser 100% masculin, Guiraudie confie : « Il y a un vrai fond homophobe en France ».
Et d’ajouter au sujet du mariage pour tous : « Je ne suis pas franchement pour, qu’on soit hétéro ou homo. C’est un vieux concept judéo-chrétien qui ne correspond plus tant que ça à une façon moderne d’encadrer la conjugalité. Mais pour l’égalité des droits, je ne suis pas contre. »